Entrez dans l'aventure au féminin...

Aventurières, voyageuses, exploratrices, globe-trotteuses... Elles existent, vous les avez rencontrées - peut-être en êtes-vous une.

Mais savez-vous qu'elles ont toujours existé ? Longtemps avant Alexandra David-Néel, longtemps avant Isabelle Eberhardt ?

En 1850, déjà... et même avant. Ida Pfeiffer, Isabella Bird, Gertrude Bell, Jane Dieulafoy... et tant d'autres. Ce blog leur est consacré ; aidez-moi à l'enrichir avec les histoires vraies que vous connaissez, et des questions auxquelles je m'efforcerai de répondre.



dimanche 22 janvier 2012

Isabelle Eberhardt ou l'éternelle jeunesse

Voyageuse et écrivain, Isabelle avait indéniablement d'Arthur Rimbaud son éternelle jeunesse, mais  alors que le poète avait cessé d'écrire pour se faire aventurier commerçant, elle révélait à peine un talent d'écrivain en pleine éclosion quand la mort l'emporta dans sa vingt-septième année. Fille naturelle de la veuve d’un aristocrate russe et du précepteur russe des enfants de la famille, Isabelle Eberhardt porte le nom de sa mère, allemande d’origine. C’est son père, cependant, qui l’élève, en même temps que ses demi-frères. Pope défroqué, érudit et anarchiste, il dispense une éducation qui est un curieux mélange de non-conformisme et d’autocratie. Coupée  du monde, mais habituée très jeune à s’évader par l’esprit et la culture,  Isabelle découvre tôt l’Islam, par son père qui parle et écrit l’arabe. Puis, à l’âge de dix-sept,  elle entame un long échange épistolaire avec un professeur d’arabe auprès duquel elle se fait passer
pour un garçon.
Elle a vingt ans quand, en 1897, elle entraîne sa mère en Algérie.  Quelques semaines seulement après son arrivée, elle emménage dans la ville arabe de Bône et se convertit à l’Islam. Six mois plus tard, sa mère meurt et la jeune femme prend l’identité qui restera la sienne jusqu’à la fin de sa vie, celle, d’un « grand jeune homme androgyne » vêtu en cavalier arabe dont le nom est Mahmoud Saadi  ― plutôt une quête d’identité, en réalité, qui se fait dans l’errance, la dépression, la malaria, le kif et l’alcool et les amours de rencontre. Cependant, elle s’essaie dans la littérature, soutenue par quelques amis qui comprennent les possibilités infinies de son étrange monde intérieure, dont Lydie Pashkoff et Victor Barrucand.
A partir de l’année 1900, elle produit de courts récits de voyages entre fiction et reportage, qui resteront ses plus belles oeuvres, tout en s’enfonçant de plus en plus loin dans le sud algérien, jusqu’à El Oued, où elle pense s’installer définitivement. Mais sa rencontre avec  Slimène Mehmi, un spahi indigène de l’armée française, marque un tournant dans sa vie. D’un côté, elle s’affiche avec son amant, sans pour autant abandonner son identité de Mahmoud ; de l’autre, elle se fait introduire par lui auprès de la confrérie religieuse des Qadriya, où elle apprend les techniques soufi de l’extase mystique. Malgré le scandale, malgré la forte opposition que son personnage rencontre auprès des Français d’Algérie, son obstination et ses amitiés bien placées ont raison de l’administration : elle épouse Slimène Mehmi le 17 octobre 1901.
Mais le personnage d’Isabelle Ebehardt continue à indisposer les colons, qui voient en elle un agitateur des populations locales (tandis que, plus tard, les Algériens la soupçonneront d’avoir été un agent de renseignement de l’armée française — une accusation qui a son origine dans l’amitié qui, la dernière année de sa vie, lie la vagabonde marginale au général Lyautey, dont elle partage l’idée d’une présence française fondée sur la compréhension en profondeur des peuples colonisés). Quand elle meurt dans l’inondation qui, le 21 octobre 1904, ravage la ville d’Aïn Sefra,  Isabelle a vingt-sept ans.  Elle laisse inachevée une œuvre littéraire prometteuse, dont des fragments on été sauvé de la boue par Victor Barrucand.
Isabelle Eberhardt, Lettres et journaliers, Actes sud, Paris, 1987

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